Le film Je suis noire, je suis belle, réalisé par Sabrina Onana, est une œuvre puissante, une introspection profonde sur l’identité, la relation aux cheveux et le chemin vers l'acceptation de soi des femmes noires. En France, où la norme capillaire est encore largement dominée par le cheveu lisse, ce documentaire propose un regard intime et sensible sur les luttes personnelles que ces femmes mènent pour accepter et célébrer leur texture capillaire naturelle. Un geste qui, sous des airs anodins, est lourd de significations sociales et historiques. Pour tout professionnel de la coiffure, ce film offre une compréhension précieuse de la psychologie qui entoure les cheveux bouclés, frisés ou crépus, et du poids symbolique qu'ils peuvent revêtir.
Dès l'enfance, le cheveu afro est présenté dans le film comme un élément central de la construction identitaire. Océane, l'une des jeunes femmes interrogées, se souvient des moqueries blessantes qu'elle a subies : « Les autres enfants se moquaient de moi en disant : “Elle a des cheveux de caca”. Ces paroles, d’une cruauté glaçante, révèlent une ignorance persistante, voire un rejet collectif de la différence capillaire. Dès leur plus jeune âge, certaines filles sont soumises à des défrisages, une pratique qui les déconnecte de leur véritable identité et impose une rupture entre ce qu'elles sont naturellement et ce que la société attend d'elles.
Le film met en lumière le fait que ce rejet n'est pas un simple accident de parcours, mais bien le reflet d'une histoire complexe, marquée par l'esclavage et la colonisation. Sabrina Onana souligne comment la perte des techniques de coiffure ancestrales a contribué à éloigner les femmes noires de leurs racines culturelles et identitaires.
À travers les différentes étapes de la vie – de l'enfance à l'âge adulte – Je suis noire, je suis belle retrace la transformation progressive du rapport aux cheveux. L’adolescence, en particulier, où le désir de conformité est à son paroxysme, pousse de nombreuses jeunes femmes à se tourner vers le défrisage. « Pour moi, les cheveux afro étaient une contrainte », confie l'une d'elles, illustrant ainsi le manque de modèles positifs et l'influence écrasante des normes de beauté occidentales.
Le besoin de conformité est nourri par des représentations médiatiques biaisées. Les héroïnes aux cheveux lisses dominent écrans et magazines, laissant peu de place aux cheveux crépus ou bouclés, notamment ceux de type 4B ou 4C. Ce manque de diversité alimente une perception négative de soi, comme le confie une participante : « Je ne trouvais pas mes cheveux beaux, parce que ce n’est pas ce qu’on voyait ».
Cependant, le film met en lumière un tournant crucial, souvent facilité par Internet, YouTube ou des événements comme la Natural Hair Academy. Ces plateformes et communautés offrent aux femmes un espace pour échanger, se soutenir et surtout, réapprendre à aimer et célébrer leurs cheveux naturels. Après des années de défrisage, elles redécouvrent la beauté de leurs cheveux afro et se réapproprient des pratiques longtemps oubliées.
Le documentaire s’inscrit dans une réflexion plus large sur l'impact des représentations médiatiques. L’absence ou la rareté de femmes noires arborant leurs cheveux naturels a longtemps contribué à un sentiment de marginalisation. « J'aurais aimé avoir des modèles comme Lupita Nyong’o pour me sentir en phase avec les standards de beauté », confie l'une des protagonistes, soulignant ainsi le manque de représentation des femmes à la peau ébène et aux cheveux crépus. Heureusement, une nouvelle ère semble émerger, avec une représentation plus inclusive dans les industries du cinéma, de la mode et de la beauté, permettant à davantage de femmes noires de se sentir enfin reconnues et valorisées.
Je suis noire, je suis belle est avant tout une ode à l’amour de soi, un amour qui doit être cultivé de l’intérieur. « Si on s’accepte, nos caractéristiques deviennent belles », déclare une des participantes, soulignant l'importance de la confiance en soi, une qualité à cultiver pour les générations futures. Aujourd’hui, des petites filles complimentent les femmes noires aux cheveux naturels, trouvant en elles les modèles qui leur ont manqué pendant des années.
Ce film poignant met en lumière les combats intimes, mais aussi les victoires personnelles de femmes qui apprennent à s’aimer et à accepter leur reflet dans le miroir, avec leurs cheveux crépus comme symbole de résilience et de beauté. Plus qu’un simple documentaire sur les cheveux, Je suis noire, je suis belle est une déclaration d’amour à une identité longtemps ignorée, et un vibrant appel à l’acceptation de soi.
En somme, Je suis noire, je suis belle ne se contente pas d'explorer la question des cheveux, mais invite chaque personne à embrasser sa beauté, tout en renforçant l’importance de la transmission de la confiance en soi pour les générations à venir. Pour les coiffeurs et coiffeuses, c’est un appel à appréhender les cheveux texturés non seulement comme une caractéristique esthétique, mais comme une partie intégrante de l’identité et de l’histoire de leurs clientes. Comprendre cette dimension permet d'offrir un service plus respectueux et valorisant à cette clientèle.